Du vin en Bretagne, des pistaches dans le Sud : à quoi ressembleront nos champs en 2050 ?
Source: L'Obs
J'AI LU ÇA #69. Dans " la France en perspectives ", des géographes s'efforcent de dessiner notre pays en 2050. On y trouve une carte résumant tous les bouleversements agricoles, et c'est spectaculaire.
Vous avez sans doute entendu un jour quelqu'un vous assurer que " dans trente ans, on fera du Chianti en Alsace " ou encore qu'" il n'y aura plus de sardines au large de Marseille, mais des poissons multicolores ". Une équipe de chercheurs et de cartographes, sous la direction de l'économiste Frédéric Gilli et des géographes Aurélien Delpirou et Martin Vanier, a tenté de visualiser sur une seule carte tous les changements à attendre dans l'agriculture d'ici 2050.
Ils ont rassemblé et épluché les données et les scénarios des différents centres régionaux de l'Institut national de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement (l'Inrae) et ceux de l'Ademe (l'Agence de la transition écologique). La carte qu'ils ont dessinée se trouve en page 93 d'un atlas épatant, " la France en perspective ", publié par les éditions Autrement en coopération avec " le Nouvel Obs ". Regorgeant de tableaux et d'infographies, il peint les défis qui nous attendent d'ici 2050. Il s'agit moins de faire des prédictions que de dessiner les scénarios (et donc les choix) possibles.
En matière agricole, une certitude existe : les écosystèmes et les traditions agropastorales de régions entières sont en train d'être bouleversés. C'est ce que montre cette fameuse carte. On cultivera en 2050 des abricots et des noix dans le Val-de-Loire ; des agrumes et des pistaches sur le pourtour méditerranéen, dont le paysage devenu aride aura, avec ses oliviers et ses moutons, " des airs d'Andalousie " nous précisent les auteurs. Le maïs et le tournesol migreront du Sud-Ouest vers les Flandres et les Vosges. Ils seront remplacés par le soja ou le sorgho... Les changements viticoles à venir sont les plus spectaculaires. Les exploitations commencent déjà à tester de nouveaux cépages adaptés aux températures futures. Les bordeaux feront 14,5 °, se rapprochant des vins espagnols. Et les vignes se développeront au nord de la Loire. L'élevage sera en difficulté. Les changements climatiques affecteront aussi la pêche, avec la raréfaction de nombreuses espèces.
Au total, jugent les auteurs, le bouleversement agricole à venir sera d'une ampleur comparable à la révolution mécanique et chimique engagée dans les années 1960. Mais tout n'est pas écrit, dans un secteur dont le sort dépend largement des aides et régulations nationales ou européennes. Restera-t-on sur la trajectoire de l'exploitation intensive des ressources ? Ou va-t-on vers des approches alternatives, plus locales, plus bio, plus respectueuses de la nature ? Développera-t-on les biens communs pour la gestion de les l'eau ou des sols ?
La qualité de la nourriture future est en jeu. Mais pas seulement : la souveraineté du pays l'est aussi : " La France importe aujourd'hui plus de la moitié de ses fruits et légumes et pourrait atteindre les trois quarts des fruits d'ici 2050 ! " constate par exemple " la France en perspective ". " Des filières historiquement exportatrices, comme le lait ou les céréales, pourraient se tarir, entraînant une recomposition des rôles et des revendications des différentes filières ". La mutation en cours est lourde d'enjeux sanitaires, stratégiques et politiques.